Quand la planète paie les droits de douane
Monthly House View - Février 2025 - Télécharger ici
Un adage financier dit que le marché achète la rumeur et vend la nouvelle. En réalité le marché a toujours un coup d’avance. Il anticipe systématiquement les évènements futurs avec plus ou moins de réussite. Depuis que la Réserve fédérale (Fed) a commencé à baisser ses taux directeurs en septembre dernier, les taux américains à 10 ans ont augmenté d’un point, passant de 3,6 % à 4,6 %. Le marché avait intégré l’assouplissement monétaire et se met désormais à anticiper une inflation future plus importante, une prime de risque des obligations à long terme qui augmente liée en partie à la croissance future, à la mise en place des tarifs douaniers ainsi qu’au poids de la dette. Ce mouvement s’inscrit dans un ajustement global des rendements. Seul un pays de taille fait exception : la Chine, qui voit sa croissance ralentir structurellement et peine à générer une hausse des prix.
Le principal facteur d’inquiétude pour les investisseurs est l’inflation. Bien qu’elle ait diminué mondialement, passant de plus de 10 % fin 2022 à 4,4 % aujourd’hui, il reste difficile de la ramener au niveau cible de 2 % souhaité par les plus grandes banques centrales. Il faut admettre qu’il est assez compliqué de savoir comment le vent va tourner aux États-Unis entre les effets contraires attendus de la mise en place de droits de douane inflationnistes et de l’augmentation de la production de pétrole qui, à l’opposé, devrait entraîner une baisse des prix.
Une chose est sûre, la dette publique augmente ! Les gouvernements, confrontés à des sociétés vieillissantes, aux dépenses de défense accrues et à la transition énergétique, doivent également faire face à la résistance populiste qui s’oppose à la réduction des dépenses. Ce climat a contraint Justin Trudeau, le premier ministre canadien, à démissionner et a aussi provoqué une instabilité gouvernementale en France. Aux États-Unis, une bataille budgétaire s’annonce, avec un nouveau président qui plaide pour une réduction des impôts, malgré un déficit déjà élevé de l’ordre de 7 % du PIB.
Le ratio dette/PIB des grandes économies riches approche les 100 %, un seuil où une augmentation des rendements obligataires d’un point pourrait coûter 1 % du PIB annuellement. Cela représente plus de la moitié des budgets de défense européens actuels. La croissance est donc nécessaire dans l’équation de la réduction de la dette, mais à quel prix ? C’est un fait, la productivité a progressé de 10 % en cinq ans, ce qui a donné du carburant à la croissance américaine. Les développements autour de l’intelligence artificielle (IA) pourraient encore la nourrir. Mais alors que les feux en Californie font encore rage à l’heure où nous publions cette édition, un tournant de l’histoire est en train d’être pris. En janvier, des projets de lois visant à réduire la consommation d’eau et d’électricité alimentant les centres de données et l’IA ont été proposés en Californie. Jusqu’à présent c’est l’agriculture qui était visée par ces restrictions mais à l’avenir, l’IA sera de plus en plus dans le collimateur car vorace en eau. Aujourd’hui, les États-Unis hébergent plus de 5 000 centres de données qui ont un besoin important d’eau nécessaire au refroidissement car une grande partie de l’énergie qu’ils consomment se transforme en chaleur. La Californie regroupe près de 300 centres de données (en comparaison la Chine entière en regroupe environ 450) qui consomment plusieurs millions de mètres cubes d’eau par an. Même si ce n’est pas par conviction politique, lorsque l’on réalise que les incendies en Californie pourraient coûter jusqu’à un point de PIB aux États-Unis, la transition énergétique est en partie toujours en marche pour des raisons économiques.
Dans un environnement où tous les pays exportateurs vers les États-Unis pourraient potentiellement être touchés par l’augmentation des droits de douane et où la hausse possible mentionnée par Donald Trump à 25 % sur les importations venant du Canada et du Mexique pourrait entraîner jusqu’à un point de plus d’inflation en 2025, nous prenons dans cette édition le contre-pied du pessimisme ambiant sur l’Europe en vous proposant une analyse des catalyseurs qui pourraient faire redémarrer le Vieux Continent.
Monthly House View, 24.01.2025. - Extrait de l'Editorial
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06 février 2025